Morelle Jean-Louis

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Né en 1945 à Creil dans l’Oise. Vocation précoce pour la peinture.
1963 :
Baccalauréat au Lycée Pierre d’Ailly de Compiègne
1966 :
Diplômé de dessin et d’arts plastiques pour l’enseignement du second degré.
1967 :
Travaille la peinture dans l’atelier du peintre Henri Goetz.
1970 :
Dans le levain créatif des années 70, il participe en tant que plasticien à la réalisation de concerts spectacles du Groupe de Musique Expérimentale de Bourges (GMEB). Films de semi animation, dessins en direct par rétro projection, affiches et mille autres folies.
1970-1981 :
Parallèlement à de nombreuses manifestations picturales, il exerce le métier de graphiste en free-lance.
1981-1987 :
Illustrateur en free lance.
1989 :
S’installe dans son atelier à Montreuil. Tombe dans une goutte d’aquarelle. Elle devient son moyen d’expression privilégié.
1990 :
Préside et fonde avec des amis artistes l’association Ateliers sur Cour qui sera à l’origine des premières manifestations publiques de portes ouvertes d’ateliers d’artistes dans la ville de Montreuil.
1992 :
Début de son enseignement de l’aquarelle dans son atelier, privilégiant le contact physique avec l’eau.
Il édite et illustre Les sonnets de Louise Labé (1524-1566).
1997 :
Pendant un an, il se consacre à l’illustration du roman de Marcel Proust Un amour de Swann. 74 aquarelles sont réunies dans un ouvrage de bibliophilie édité par Guy Victor Labat, éditions de la Nouvelle Librairie de France, Paris.
1993 et 1994 :
Exposition personnelle, galerie Samagra, 52 rue Jacob, Paris.
1999 :
Exposition personnelle, bibliothèque Robert Desnos, Montreuil.
Parution aux éditions Fleurus de son livre Aquarelle, l’eau créatrice.
1999-2002 :
Ses aquarelles sont régulièrement exposées à la galerie Aittouarès, Paris.
Décembre 2003 :
Exposition personnelle à la galerie du Fleuve, Paris.
Parution de son livre, “journal d’un aquarelliste”, Editions Mégastar, distribution Fleurus.
Octobre 2004 :
Participe à la 24ème Biennale de Baugé.
Février 2005 :
Expose à Londres au salon “The Watercolors and Drawings Fair”, Royal Academy.
Avril 2005 :
Invité au 6ème festival international de l’Aquarelle à Anvers.
1er juillet 2005 / 16 septembre 2005 :
Participation à l’exposition “Nus” Centre d’Art Contemporain Raymond Farbos, Mont de Marsan.
Novembre/décembre 2005 :
Exposition personnelle à la galerie de la Daurade à Toulouse.
Décembre 2005 :
Exposition personnelle à la galerie du Fleuve, Paris.
2006 à 2008 :
Deux années de recherche pour renouer avec la peinture à l’huile.
Septembre/octobre 2008 :
Exposition personnelle à la galerie Yves Callet-Molin à Vevey (Suisse).

Rencontre en chemin / ycm

L’aquarelle française lui doit ses lettres de noblesse, la reconnaissance d’un art majeur. Son nom fait figure de “Référence” en la matière, tant en France qu’en Belgique. Sa notoriété couvre l’Europe entière, le Canada, les USA. Concepteur de la technique ” humide sur humide “, il restitue la lumière comme nul autre, distille ses gris rares, trichromes, en harmonies sourdes et subtiles avec la composition. Ses sujets disent le silence, la nostalgie, l’absence, le vide encore habité d’une présence récente, l’espace déserté. Sujets d’un quotidien très contemporain.

Auteur de nombreux articles et contributions, conférencier, éditeur lui-même quand il juge le projet indispensable, ses ” master class ” l’appellent régulièrement à New-York, Venise, à travers la France. Bien des grands noms de l’aquarelle française ont passé entre ses mains, ont été marqués par sa sensibilité et sa vérité nue. Parmi d’autres publications, deux best-sellers, ont contribué à l’épanouissement de l’aquarelle française et à toucher profondément le public. ” Aquarelle – l’eau créatrice ” , dans lequel il dissèque les techniques, les atmosphères, en dévoile les secrets, en montre l’infinie variété. Le ” Journal d’un aquarelliste “, coup de coeur pour de très nombreux lecteurs, suit son parcours cinq années durant, au jour le jour. Sorte de journal intime, il s’y livre sans fausse pudeur, y dit sans retenue ses sentiments qui s’expriment dans les aquarelles reproduites. Malgré l’immense talent qu’on lui reconnaît, Jean-Louis Morelle reste d’une grande humilité et d’une totale sincérité.

Ayant tout dit ou presque avec l’Aquarelle, il retourne à ses premières amours : l’Huile. Mais enrichie de son parcours, retrouvant, dans un geste plus ample et plus physique, les raclures, les caresses, l’écrasement de la touche, les tamponnements, les essuyages. Au sommet de son art avec l’Aquarelle, il ne pouvait présenter son Huile, qu’arrivé à maturité, ayant trouvé le moyen de traduire ses lumières, ses atmosphères, ses représentations. L’ampleur du geste embrasse de larges formats, que le sujet demande. Il s’est retiré, deux années durant, en ermite. Refusant les expositions, travaillant sans relâche, alternant le doute et les certitudes, il n’a eu de cesse de trouver son expression aboutie.

La quête se nourrit de rencontres privilégiées, d’échanges enrichissants, d’amitié sincère. Ce long temps de gestation voit aujourd’hui son aboutissement, somptueux, bouleversant. Il nous est donné de le révéler au public, au côté des ses aquarelles. C’est un très grand privilège et une marque d’estime qui nous touche au plus profond.

Yves Callet-Molin

Passion pour la peinture / jlm

Enfant, au détour d’un chemin alpin, j’ai fait une rencontre. Un peintre avait posé son chevalet de campagne. Ses pinceaux couraient sur la toile, chaque touche s’organisait avec sa voisine : magie et énergie. Il me subjuguait.

N’ayant pas accès, sauf exception, à la matérialité des œuvres, je plongeais dans les livres d’art et mon regard s’enivrait de la profusion des images et de l’ampleur de l’histoire. Lorsque dans un musée, le corps de l’œuvre se présentait à moi, je fermais à demi les yeux afin de contenir la force de l’émotion.

A dix-huit ans, j’ajustais sur la toile mes rapports de tons avec une rigueur toute cézannienne. J’arrêtais le cours du temps pour cette méditation alors même que de nombreux peintres allaient abandonner cette attitude : la jouissance de la rétine n’allait plus être la finalité de la peinture. Beaucoup de concepts allaient prendre le pouvoir et appliquer de nouveaux sens à l’histoire de l’art.

Mais je m’étais déjà construit, comme je suis d’ailleurs resté : j’aspirais à saisir mes pinceaux pour ne peindre qu’au profit d’irréductibles plaisirs de l’œil. Perfection de Léonard, silence de Vermeer, Pâte d’ombre et d’or de Rembrandt, sensualité discrète de Chardin, folies rétiniennes de Monet. Et l’art au vingtième siècle… Ses violences comme ses trésors, j’en prendrai la mesure à l’aune de cette formation classique spontanée.

Au cours de ma vie, ma réflexion sur l’art a été nourrie au frottement du travail lui-même. S’il a été créatif, ce travail n’était pas toujours libre. La part du graphisme et de l’illustration restait, par fonction sociale, assujettie à la commande. Mais il en était de cette nécessité comme celle de la vie même : le bénéfice d’un bel affrontement au réel.

Passion pour l’aquarelle

La découverte de l’aquarelle a révélé une nouvelle face de cet affrontement.
Le réel s’organisait autour de deux pôles : celui de la technique et celui du regard.
Pas d’art de l’aquarelle sans métier, sans la part incontournable de la maîtrise. Mais aucun art sans regard , ni relation au monde.

Or l’aquarelle libérait mon regard de peintre. J’étais l’aventurier, l’explorateur de thématiques insoupçonnées, les objets ordinaires, les petits désordres du quotidien, les rues au sortir de l’atelier, les voitures, les visages que je croisais. Seule la légèreté de l’aquarelle m’autorisait mille voyages dans la vie aux alentours. Toujours sur le motif, dans les ateliers d’amis, aussi bien dans les appartements que dans les friches industrielles. Je m’accompagnais toujours de ma boîte avec mes pigments dilués et mes papiers tendus sur des châssis.

Quant à la technique… Je n’avais reçu aucun enseignement, ni rencontré aucun maître. Que faire de cette eau qui provoquait apparemment tant de vie aux pigments ?
Je souhaitais m’affranchir de la technique des glacis successifs trop attachée, pour mon tempérament, à l’illustration. L’aquarelle certes, mais pour y peindre directement dans la matière avec une liberté proche de l’huile qui dispose à sa guise de l’emplacement des lumières. Dans les flaques humides, je créais donc des auréoles volontaires. Non pas comme une simple astuce, mais comme une question se référant par hypothèse à une loi générale. La lumière du papier se redécouvrait comme un trésor de liberté et de sensualité.

Lors des portes ouvertes de mon atelier, les amateurs d’aquarelles avides de conseils venaient de plus en plus nombreux. La pédagogie prenait place. J’en retraçais les bases dans l’ouvrage ” Aquarelle, l’eau créatrice “.
Or on ne change pas impunément les règles d’un jeu. Elles nécessitent la présence d’un manque, qui va appeler un désir de l’histoire. L’audience remportée depuis neuf ans par ce livre, plusieurs fois réédité, indique clairement que beaucoup de pratiquants de l’aquarelle sont encore en attente, aujourd’hui, de renouvellement technique, et, bien davantage encore, de sensations différentes.
Celles-ci ouvrent un chemin pour chacun.

Etre soi ?

Et voilà que soudain, à force de sculpter la lumière au sein de la flaque pigmentée, surgit un désir surprenant.
Une impérieuse intrusion. Elle met en lumière un appétit insoupçonné : celui de modifier la relation au temps de la peinture.

L’aquarelle reste proche de l’énergie déployée dans une course de 110 m haies. Investir un temps long de travail, un temps méditatif, un temps hors de l’instant, à l’opposé de ce qu’exige légitimement l’aquarelle, m’ouvre une autre porte et une autre énergie. Beaucoup plus terrestre : celle de l’huile.

La reprise des pinceaux et des tubes d’huile se croise avec d’autres motivations intimes : rejoindre un rêve d’enfance certes, mais aussi une part d’identité inaccomplie, et déployer un espace physique plus large pour des thématiques contemporaines…
Alors tant pis, s’il ne faut plus rien savoir et embrasser le vide.

Cette accolade me raccroche d’ailleurs à mon propre corps.
J’ai été formé pendant plus de vingt ans par le travail sur le papier. Saturé d’humidité, il a développé ma sensibilité à l’effleurer à peine. En fidélité à ces sensations physiques, à ce qui appartient dorénavant à mon sens du toucher, j’ai privilégié une toile très lisse et une touche elle-même sans épaisseur. Je ne peux être en résonance avec mon travail qu’à travers ces choix. Ils ont exigé deux années de questionnement. Pour ce que je deviens, nouveau promeneur sur ses deux jambes, ils identifient aujourd’hui le chemin à poursuivre. J’espère avec une nouvelle amplitude et davantage de dépouillement.

Jean-Louis Morelle / juillet 2008